Dossier arbitrage: et si on donnait du pouvoir aux clubs de rugby ?

« Lorsqu’une personne n’assure pas correctement sa fonction, il faut changer cette personne. Lorsque plusieurs personnes ne remplissent pas correctement leurs fonctions, c’est le système qu’il faut changer. »

Il y a un problème d’arbitrage dans le rugby français.

Concernant l’arbitrage au rugby, on s’aperçoit que le niveau général d’insatisfaction des clubs est en augmentation ces dernières saisons. Les causes peuvent en être multiples. Tout d’abord il y a la mise en application des nouvelles règles, comme l’illustre la nouvelle interprétation de l’en avant (la Commission Centrale de l’Arbitrage a déjà réagi sur ce dossier en demandant des éclaircissements à l’International Rugby Board).

Yoann Huget du Stade Toulousain

Yoann Huget a testé et approuvé bien malgré lui la nouvelle interprétation de la règle de l’en avant

L’évolution du rugby, l’augmentation du temps de jeu, l’adaptation et l’utilisation des règles par les joueurs et les entraîneurs peut en être une autre raison. Et bien entendu, on peut toujours se poser des questions au sujet des arbitres. Alors, le niveau de l’arbitrage au rugby est-il réellement en baisse ?  Faut-il revoir la formation des arbitres, leur salaire, leur statut ? Est-il plus difficile d’arbitrer équitablement dans le rugby moderne ? Un arbitre peut-il être techniquement irréprochable, mais partial dans l’esprit en favorisant une équipe qui attaque ou celle qui défend ? Ou bien est-ce que les clubs sont devenus plus exigeants envers le corps arbitral, pressés qu’ils sont par des investisseurs de plus en plus argentés, et de moins en moins connaisseurs (des règles du jeu ?).

Les clubs pourraient-ils intervenir lors de la nomination des arbitres ?

Essayons de poser le problème de l’arbitrage sous un angle nouveau. Pour qu’un système fonctionne correctement de façon durable, il faut créer les conditions « naturelles » de son équilibre. Et ce n’est pas le cas actuellement en ce qui concerne l’arbitrage. En effet, nous avons en présence trois entités qui sont la Commission Centrale d’Arbitrage, les arbitres et les clubs. La CCA est souveraine et gère le corps arbitral qui doit lui rendre des comptes (ce qui est la moindre des choses), cependant on constate que les clubs sont lésés car ils n’ont aucun pouvoir. Les arbitres ont un intérêt évident à « bien arbitrer » au regard de l’organisme qui les met en place et qui les note, mais quel est l’intérêt d’un arbitre de « bien arbitrer » vis à vis d’un club ? Il n’y en a aucun, il faut donc le créer. Mais comment ?

La Commission Centrale d’Arbitrage met en place les arbitres, gère leurs promotions et par conséquent leurs rétrogradations (pour mettre en place un nouvel arbitre dans le Top 14 il faut bien en enlever un autre). D’où mon idée: donner aux clubs le pouvoir de rétrograder les arbitres. Tout simplement. La CCA continuerait à nommer les nouveaux arbitres, mais ce seraient les clubs qui décideraient quels sont les arbitres qui leur laisseraient la place. Cette proposition inédite est très intéressante, car elle octroierait aux clubs un pouvoir indépendant et non censurable par le corps arbitral. Voici une proposition concrète, d’une totale transparence:

Proposition de modification du système de promotion et de rétrogradation des arbitres:

  • La Commission Centrale de Arbitres reste souveraine concernant la formation, les diplômes, les conditions d’aptitude à arbitrer, la limite d’âge ainsi que la mise en place des arbitres. Elle détermine par division du nombre d’arbitres qui monteront (et descendront) à la fin de chaque saison, avec un minimum d’une promotion/relégation annuelle par division.
  • NOUVEAU: Chaque club a l’obligation de fournir en fin de saison un classement des arbitres (du premier au dernier sans qu’il puisse y avoir d’égalité entre eux), selon des critères de notation qui lui sont propres et librement choisis.
  • À la fin de chaque saison, les votes de tous les clubs de toutes les divisions doivent être communiqués à la Commission Centrale des Arbitres et aux autres clubs de même division, par souci de transparence. Les derniers arbitres du classement général descendront d’une division, dans la limite du nombre décidé par la C.C.A. par division. En cas d’égalité on procédera à un second vote des clubs considérant seulement les arbitres à égalité. S’il y a encore égalité au second vote, la C.C.A. tranchera entre les arbitres du second vote.
  • Tous les arbitres rétrogradés seront remplacés par les meilleurs arbitres de la division immédiatement inférieure. Dans l’esprit, ces descentes à l’étage inférieur ne sont pas une sanction, mais une opportunité pour les meilleurs arbitres des divisions inférieures de les remplacer. Ces derniers seront choisis et désignés par la Commission Centrale d’Arbitrage.
  • Un arbitre rétrogradé ne peut pas remonter immédiatement l’année suivante.
  • (*** On peut également envisager de communiquer à la mi-saison le classement aux arbitres, afin qu’ils puissent avoir une opportunité de rectifier le tir.)

Exemple concret: imaginons que la Commission Centrale d’Arbitrage ait décidé de remplacer annuellement deux arbitres du Top 14. À la fin de la saison, selon le vote des clubs du Top 14, les deux derniers arbitres descendent en ProD2. Ils seront remplacés la saison suivante par les deux meilleurs arbitres de Pro D2 (désignés par la C.C.A.).

Cette proposition peut paraître insolite, mais elle est très juste. Car elle ne porte pas atteinte à la souveraineté de de la Commission Centrale d’Arbitrage, qui est la plus compétente concernant les affaires d’arbitrage d’un point de vue technique, mais elle crée un contre pouvoir en faveur des clubs, qui sont les plus compétents pour juger ce que l’on pourrait appeler: « le ressenti d’arbitrage« .

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Laurent Delmas

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