Wesley Fofana, le trois quart aile au centre du débat

Pourquoi Wesley Fofana ne devrait-il pas jouer à l’aile ?

Trois quart centre ou ailier Wesley Fofana

Wesley Fofana, treize en vue cet été en Argentine…

En équipe nationale, peu de joueurs ont réussi une reconversion de poste et encore, ces cas sont limités à certains postes seulement. En équipe de France comme dans n’importe quelle équipe nationale de rugby au monde, ça n’a jamais vraiment bien fonctionné de déplacer un joueur à un autre poste que le sien. Au pied levé, pour parer à une situation de coaching imprévue, c’est possible, mais de façon durable c’est vraiment à éviter… à plus forte raison quand c’est contre le gré du joueur.

Alors pourquoi est-ce si difficile ? Parce que comme le déplore justement Philippe Saint André, les joueurs internationaux passent très peu de temps ensemble, pour se connaître, préparer les matchs,  trouver des automatismes et assimiler les combinaisons du XV de France. S’il faut de surcroît faire tout cela à un poste auquel on n’est pas habitué, c’est encore plus compliqué, et le joueur concerné n’est pas placé dans de bonnes conditions de réussite individuelle. Vous me direz, les intérêts collectifs priment sur les intérêts individuels (les internationaux doivent être au service du XV de France et pas l’inverse), mais la réussite collective dépend aussi de la réussite individuelle, et les joueurs ne sont pas des machines, ce sont des hommes avec des états d’âme et des facultés d’adaptation qui leurs sont propres.

Procéder à un changement de poste, ce n’est pas bon pour la confiance du joueur déplacé qui court le risque de jouer moins bien qu’à son poste de prédilection et donc de perdre carrément sa place dans l’équipe, mais aussi (et ou l’oublie souvent) ce n’est pas bon pour la confiance du joueur à qui il prend la place. Dans la cas présent, sélectionner Wesley Fofana à l’aile, c’est envoyer le message aux ailiers remplaçants qu’ils ne sont pas aussi bons qu’un trois quart centre déplacé à l’aile.

Oui à la polyvalence du geste, non à la polyvalence du poste

« Au rugby, il y a ceux qui jouent au piano… et ceux qui les déménagent. » (Pierre Danos). Effectivement, au rugby plus qu’ailleurs chaque poste est une affaire de spécialiste. Pour expliquer pourquoi succintement , le rugby ça consiste d’abord à posséder le ballon, puis l’éloigner de la zone de d’affrontement, créer un déséquilibre dans la défense pour enfin marquer des points. En gros et par poste, le cinq de devant c’est les déménageurs, les spécialistes de la conquête, le demi de mêlée l’éjecteur qui transmet rapidement le ballon précieusement gagné vers le demi d’ouverture qui en fin stratège lance au bon moment et au bon endroit sa cavalerie des trois quart centres dont le rôle est d’ouvrir des brèches pour le triangle d’attaque composé de l’arrière et des ailiers qui finissent le travail en marquant des essais (vous pouvez respirer). Et les troisièmes lignes alors diront ceux qui ont suivi ? Les troisièmes-lignes sont un peu des pompiers de service ou des intérimaires, ils interviennent là où c’est nécessaire en fonction des circonstances de jeu, soit en conquête, au soutien voire à le finition. Le rugby résumé en deux minutes, c’est un peu ça. Cela explique également l’esprit de solidarité qui doit régner dans une équipe de rugby, et voilà pourquoi lors des interviews d’Isabelle Ithurburu Vincent Clerc, sourire Colgate en coin, explique humblement que bien sûr il est un super marqueur d’essais, mais que sans ses potes qui se décarcassent pour lui fournir des ballons de qualité, il ne pourrait rien faire.

Sur le papier le rugby c’est ça, mais dans la réalité c’est un peu plus complexe, les joueurs sont souvent obligés de jouer des rôles qui ne font pas partie de leur panoplie. « Dernier passeur, premier soutien« , le joueur qui vient de faire la passe doit jouer automatiquement le rôle d’un troisième ligne aile au soutien du porteur de balle, même si par exemple il est demi de mêlée. Un pilier isolé dans ses 22 mètres va bien devoir dégager en touche, même si le jeu au pied ne fait pas à priori partie des acquis techniques indispensables à son poste. Vous l’avez compris, la polyvalence du geste est obligatoire au rugby, en fonction de la situation de jeu chaque joueur quelque soit son poste doit être capable d’accomplir n’importe quel geste technique.

En revanche, en ce qui concerne la polyvalence au poste, c’est différent. Généralement un joueur de rugby ne choisit pas un poste au hasard, et c’est plutôt le poste qui choisit le joueur, en fonction de ses qualités physiques, athlétiques mais également d’autres qualités non physiques comme par exemple la créativité, ou bien psychologiques comme la sociabilité, l’altruisme, etc… Par conséquent, le poste de prédilection d’un joueur de rugby correspond plus à ce qu’il est que ce qu’il a envie de faire.
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Trois quart centre et ailier, deux postes si proches… et si différents !!!

Revenons-en au cas Fofana, ou si vous préférez à la reconversion d’un centre au poste d’ailier. Un trois quart centre et un ailier jouent côte à côte, 13 ou 14 c’est pareil non ? Erreur, ce sont des postes fondamentalement différents. Le trois quart centre est un créateur alors que l’ailier est un finisseur, ce n’est pas du tout le même homme. Le centre est plus proche du demi d’ouverture, et l’ailier proche de l’arrière dans la façon de jouer. Le trois quart centre crée, joue un rôle de leurre, manie le ballon, et son objectif final est de donner, de transmettre le ballon au finisseur: l’ailier. Pour ce dernier c’est différent, l’ailier doit être (dans le bon sens du terme) égoïste et avoir une âme de sniper: marquer ou mourir, telle est sa devise. Défensivement aussi ces deux postes sont très différents: la défense du trois quart centre est individuelle et les trajectoires courtes et explosives, alors que la défense de l’ailier est plus une défense de zone avec de longues courses arrondies et une parfaite synchronisation de course pour finir intercalé entre le centre et l’ailier adverse (ou plus exactement, le joueur le plus à l’aile).

Donc, et pour conclure, c’est surtout en défense que de convertir un trois quart centre en ailier comporte des risques. Si la polyvalence du geste doit faire partie du bagage de tout joueur de rugby, la polyvalence au poste est plus aléatoire et fait courir des risques (inutiles ?) à l’équipe toute entière. Si Wesley Fofana est indispensable à l’équipe de France, sélectionnons-le donc au centre, sinon il vaut mieux ne pas le sélectionner du tout et mettre à l’aile un ailier de métier. D’ailleurs en parlant de métier, ne dit-on pas: « Cadun son trabalh e las vacas seran pla gardat. » ( « chacun son métier et les vaches seront bien gardées« , proverbe occitan). Comprenez par là qu’il ne faudrait pas samedi qu’une vache galloise s’échappe du troupeau, elle irait à coup sûr brouter dans notre en-but !!!

Laurent Delmas.

[pullquote align= »left|center|right » textalign= »left|center|right » width= »40% »]Ce soir à 18 heures n’oubliez pas que l’équipe de France de rugby féminin reçoit au stade Levindrey de Laon le Pays de Galles ;-). Allez les bleues !!! [/pullquote]

 

 

 

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