Les fidjiens aux petits oignons

« On ne gagne pas les Fidjiens à un contre un, on les bat à quinze contre quinze. »

Pas vraiment une grande équipe,mais une armée d’individualités toutes aussi imprévisibles et explosives les unes que les autres. Les fidjiens ont dans leurs gènes cette capacité surprenante de pouvoir « casser un plaquage » à n’importe quel moment. Bien que brouillons et peu organisés, ils représentent un danger permanent. Ce « premier test match de la dernière grande ligne droite avant la Coupe du Monde de rugby » avait des allures de match à notre portée certes, mais aussi de match piège. Car le Fidji aurait très bien pu être ce joli tapis de l’entrée des artistes, celui-là même où tu peux te prendre les pieds juste au moment de faire ton entrée sur scène. Car s’il est vrai que les vaillants îliens, en larmes durant leur hymne, n’avaient pas grand chose à perdre en cas de défaite en terres françaises, il en était tout autre pour le XV de France qui, en cas de gamelle au Vélodrome était promis aux affres du royaume du doute, et pouvait voir peuchère fondre comme neige au soleil son capital confiance payé à crédit. « Faire bien gaffe de ne pas se vautrer d’entrée » était la consigne avant ce premier test-match automnal, et mère prudence accompagnait les intentions tricolores au sortir des vestiaires, comme une poule glousse veillerait sur ses chérubins armés de cartables tout neufs un jour de rentrée.

Ce France Fidji s’est joué en deux temps. Après avoir fait mijoter les fidjiens, à l’étouffée pendant un heure, le XV de France qui était descendu s’affairer en cuisine est ensuite remonté en salle pour nous servir l’explosion en bouche qui nous a régalé les pupilles en seconde mi-temps. Patience et application ont permis aux (cordons) bleus de nous mitonner ces fidjiens aux petits oignons, en leur coupant les ailes avant de déployer les nôtres. La bonne stratégie face aux magiciens des îles et un scénario payant qui nous a permis de laisser aux fidjiens le soin de régler seuls l’addition, dijo compris, au tarif de 40 pions à 15 !!! Champagne !!!

Attention, on ne va pas s’emballer pour autant pour un match gagné (après tout c’était une rencontre amicale), mais au vu de la prestation des français aujourd’hui (en particulier celle les nouveaux capés), on a la l’impression qu’il y a matière à construire une équipe compétitive sur cette probante victoire. S’il est encore bien trop tôt pour parler de sérénité, on sent plus de cohérence dans le choix des joueurs (Serge Blanco est-il lui aussi descendu en cuisine pour mettre son grain de sel ?). Et quant à Philippe Saint André, désespérément à la recherche d’une charnière depuis sa prise de fonctions, celui-ci est peut-être en passe d’en trouver… deux…

Philippe Saint André en interview

Le sélectionneur du XV de France annonçant l’équipe

France Fidji 2014, une première mi-temps à l’étouffée.

Teddy Thomas eût la bonne idée de marquer d’entrée un bel essai en coin après une autoritaire prise de balle aérienne dans l’en-but, consécutive à un lumineux coup de pied de Camille Lopez tapé des 22 adverses par dessus la défense. Du coup, l’équipe de France gérait cette bonne entame de match,  se découvrant peu durant ce premier acte, occupée qu’elle était à confiner les fidjiens dans leur moitié de terrain grâce à une défense de fer, tant et si bien que les attaques fidjiennes étaient aussi aussi efficaces que des tentatives d’assassinat de taureau à coups de figues molles. Tandis que les attaquants fidjiens, frustrés, se demandaient s’ils n’allaient pas devoir emprunter le boulevard Michelet pour pouvoir déborder la défense française, Camille Lopez enquillait des pénalités histoire de tuer le temps, en connaissant tout de même quelques échecs dans ses tentatives de tir au but. De part et d’autre, les deux équipes tentaient d’attaquer sans succès, s’en remettent à des coups de pied hasardeux qui n’eurent pour effet que de rendre le ballon à l’adversaire. Mais bon, le XV de France en mode écureuil dominait et faisait fructifier son capital épargne points pour atteindre la fin de la première mi-temps sur un score commode de14 à 0.

Le match bascule après l’essai de Ratini

Le scénario du match laissait à penser que l’on allait s’acheminer vers une victoire des bleus sans grand éclat, mais en 5 minutes l’inévitable Ratini allait relancer son équipe. À la conclusion d’un mouvement d’envergure ponctué par plusieurs débordements de ses partenaires, l’ailier fidjien alla marquer l’essai de l’espoir. Mais à partir de cet instant, le match changea complètement de physionomie. Les tricolores se libérèrent et décidèrent d’accélérer, au moment même où les fidjiens commençaient à montrer des signes de faiblesse. Le travail de sape des bleus en première mi-temps porta ses fruits: la défense des blancs et noirs explosa et encaissa 4 essais en moins de vingt minutes !!! Notre sniper Teddy Thomas par deux fois (un triplé aujourd’hui), bien servi par le créateur perforateur Spedding, Pascal Papé après un beau travail collectif du pack tricolore, et enfin le dernier pour la route de Wesley Fofana à la 71° anéantissaient tout espoir de victoire des fidjiens. Le cocotier était tombé sur la cabane du chien. Le XV tricolore déroulait et offrait un rugby offensif et très efficace, les fidjiens n’y étant plus ne pouvaient alors que constater les dégâts.

Le XV de France a fait preuve d’une grande maîtrise et a construit sa victoire en prenant le temps d’en creuser les fondations en première mi-temps, avant d’accélérer nettement le rythme de jeu dans le second acte. L’équipe de Philippe Saint André lance de la meilleure des manières la série des test match d’automne en présentant une équipe équilibrée et crédible à la fois. On attend la suite avec impatience avec le match contre l’Australie, le 15 Novembre 2014 à 21h00 au Stade de France.

Les joueurs du XV de France:

Honneur aux bleus des bleus tout d’abord:

  • Teddy Thomas frappe très fort en signant un triplé pour sa première titularisation. Parfait timing sur son premier essai (il part presque hors-jeu d’un cheveu) et capte un ballon parfaitement ajusté mais difficile. Incontestablement un grand finisseur.
  • Scott Spedding, malgré deux en-avants en début de partie, a démontré de grandes qualités de créateur et perforateur. Il fixe deux défenseurs et délivre une passe au cordeau à Teddy Thomas lors de son second essai.
  • Alexandre Dumoulin. Peut-être l’homme du match. Trois quart centre très solide, perforateur et joueur après contact. Le jeu continue après lui, il libère des ballons de qualité dans le bon timing. Très grande polyvalence au geste, interventions de qualité derrière les regroupements
  • Yoann Huget, la valeur sûre. Zéro déchet. Stoppé, il mystifia deux défenseurs d’un demi tour pour s’échapper tout seul.
  • Wesley Fofana, le plus fidjien des français en attaque, très présent en défense. Un danger permanent, désormais surveillé comme le lait sur le feu par les défenses du monde entier. À été souvent pris pour cible par les attaquants fidjiens.
  • Tillous Bordes et Camille Lopez: une charnière qui tient la route. Bonne association entre le toulonnais et le clermontois, excellente orientation du jeu. Duo qui demande du temps de jeu pour se bonifier et trouver plus d’automatismes. À travailler le jeu au pied pas toujours judicieux, et à tester contre une opposition plus forte.
  • la troisième ligne: parfaitement organisée, complémentaire et très efficace. Elle n’a jamais été prise en défaut de placement. Sur des starting-blocs en défense et ne se laissant pas aspirer par les regroupements, a contribué à l’absence de surnombre en bout de ligne des attaquants du Fidji. Thierry Dusautoir exemplaire capitaine.
  • la seconde ligne: un attelage de qualité avec Yoann Maestri et un Pascal Papé qui portait les stigmates du combat. N’a pas donné sa part au chiens et s’est souvent offert en fer de lance
  • Guilhem Guirado: une pizza en première mi-temps (la tramontane ?), incident vite oublié au vu de sa prestation générale. Technique et puissant, ses interventions offensives ont souvent remis l’équipe dans le droit chemin
  • Nicolas Mas et Alexandre Ménini: les tauliers de la mêlée. Gros travail d’usure de leurs vis à vis

 

Rappel de la composition du XV de France:

1 – Alexandre Ménini – 2 – Guilhem Guirado – 3 – Nicolas Mas

4 – Pascal Papé  – 5 – Yoann Maestri

6 – Thierry Dusautoir (capitaine) – 8 – Damien Chouly – 7 – Bernard Le Roux

9 – Tillous Bordes – 10 – Camille Lopez

12 – Wesley Fofana – 13 – Alexandre Dumoulin

11 – Teddy Thomas – 14 – Yoann Huget

15 – Scott Spedding

Remplaçants du XV de France : 16 Benjamin Kayser, 17 Uini Atonio, 18 Xavier Chiocci, 19 Alexandre Flanquart, 20 Charles Ollivon, 21 Rory Kockott, 22 Remi Tales, 23 Matthieu Bastareaud.

Entraîneurs: sélectionneur national Philippe Saint André, lignes arrières Patrice Lagisquet, avants Yannick Bru.

 

Philippe Saint André en interview

Le sélectionneur du XV de France annonçant l’équipe

Composition de l’équipe de rugby des îles Fidji:

1 – Ma’afu – 2 – Vuli- 3 – Saulo

4 – Nakarawa- 5 – Ratuniyawara

6 – Qera (capitaine) – 8 – Matadigo – 7 – Waqaniburotu

9 – Matawalu – 10 – Ralulu

12 – Botia – 13 – Tikoirotuma

11 – Ratini – 14 – Votu

15 – Talebula

Remplaçants de l’équipe des îles Fidji: 16 Veikoso, 17 Yanuyanutawa, 18 Colatei, 19 Soqeta, 20 Ravulo, 21 Seniloli, 22 Nadolo, 23 Nagusa

Sélectionneur de l’équipe de rugby du Fidji: John McKee.

Laurent Delmas.

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