Dans le vestiaire du FCG, il n’y a pas 35 kilos d’or, mais il doit y avoir quelque chose qui pèse au moins autant. Peut-être une simple prière, en tous cas la foi… Au stade Mayol ce 4 janvier 2014, avant le coup d’envoi il y avait sur le papier au moins vingt points d’écart entre les deux équipes. Oui mais voilà, au final, c’est celle de Grenoble qui créa l’exploit en remportant un match que Toulon aurait dû au vu de son rang plier bien avant la fatidique 76° minute. Avant ce coup de poignard de l’ailier Alipate Ratini, une interception venue des îles Fidji, au moment où Jonny Wilkinson avait un carré d’as dans les mains, un quatre contre un à jouer !!! Quel final tragique pour Toulon, et quelle performance grenobloise !!!
Retour en vidéo sur le tournant du match, et sur les mots de Fabrice Landreau juste après le coup de sifflet final:
« Dans le vestiaire de Grenoble, on s’était dit que… »
– « Fabrice Landreau, vous aviez dit que vous étiez capable de gagner tout le monde et vous venez de vaincre ici le champion d’Europe. »
– « Bon je m’excuse pour… euh… pour ça parce que… je suis désolé… »
– « Ça représente quoi cette victoire ? »
– « Tout à l’heure lorsqu’on a fait la prière, on s’était dit qu’il fallait croire en nos rêves et qu’on pouvait battre toutes les équipes, et qu’aujourd’hui ce théâtre magnifique de Toulon pouvait être une superbe pièce et qu’il ne fallait pas que ça se finisse en tragédie pour nous. Ce match il fallait qu’il finisse en apothéose et qu’il n’y a rien qui pouvait nous retenir aujourd’hui, si ce n’est notre collectif, notre énergie. Et on a réussi mais sur un coup du sort. Voilà. »
– « Et pourquoi tant d’émotion ? Parce que… » (Fabrice coupe net:) – « PARCE QUE C’EST IMPOSSIBLE DE GAGNER LÀ !!! Parce que personne ne croit en nous. C’est impossible de gagner à Toulon, impossible !!! Ce qu’ils ont fait est remarquable, bravo. Voilà, je vais faire Benny B. dans les vestiaires et.. c’est parti… »
Et puis c’est tout, l’entraîneur grenoblois n’en dira pas plus, le voilà déjà parti rejoindre son groupe. Les micros, les médias, c’est pas trop sa tasse de thé. Son truc à lui c’est le terrain. Ce petit bout de pré, celui qui détient la vérité. Un terrain dont s’est beaucoup éloigné Toulon ces derniers temps…
Toulon se tire une balle dans le pied
Pour Toulon la défaite est amère, aussi brutale qu’un crash aérien. C’est le pire des scénarios au rugby qui s’est produit, l’interception en toute fin de match, alors qu’il suffisait gérer le score. De quoi se les mordre !!! Comme l’a souligné fort justement Mourad Boudjellal après le match, quand on a seulement six points d’avance, on ne joue pas le bonus offensif !!!
À la 76° minute il y avait de surcroît un avantage en cours consécutif à une faute du flanker grenoblois Jonathan Best, rentré sur le côté d’un regroupement, une aubaine pour les rouge et noirs. Pourquoi les toulonnais n’ont-ils pas alors fait arrêter le jeu, en sortant en touche délibérément ou en commettant un en avant volontaire ? Ils auraient bénéficié de la pénalité, débarrassé le plancher et campé dans le terrain grenoblois jusqu’à la sirène (chose qu’aurait certainement su faire Grenoble dans la situation inverse !!!). À mon sens Laurent Cardona arbitre justement sur cette action (sur le reste du match c’est un autre débat). Il est dans les clous avec la règle N° 8 relative à l’avantage, considérant pour Toulon un avantage tactique (même si l’avantage territorial, pécaïre, est bien mince. Il laisse l’avantage jusqu’au troisième temps de jeu et après que Konstantin Mikautadze ait franchi le premier rideau grenoblois et avancé de dix mètres. Il baisse ensuite son bras au moment ou le ballon sort d’un maul, avant que Jonny Wilkinson ne s’en empare. L’arbitre du match n’est pas responsable de se qui se passe (hélas) une seconde après, cette interception c’est un coup du sort, pas un coup de Cardona !!!
Après on peut certes épiloguer sur l’arbitrage du match dans sa globalité, et c’est peut-être plus cela qui a irrité Bernard Laporte que cette ultime décision. Laurent Cardona aurait-t-il dû dégainer quelques biscottes sur certaines actions défensives des grenoblois, ce qui aurait peut-être changé la donne de ce match ?
Bon, Toulon a perdu à domicile, et alors ? Y a-t-il mort d’homme pour autant ? Bernard Laporte doit-il tout abandonner à cause de cette contre performance ? La qualification pour les phases finales est-elle compromise ? Non, Toulon a perdu une bataille, mais c’est la guerre qui importe, c’est la course au titre. Cette défaite semble pardonnable, à condition d’en retenir la leçon à l’avenir, qu’en pensez-vous ?
Autopsie de l’interception de Ratini:
Sur l’action il y a une occasion franche d’essai pour Toulon, mais tout bascule en une fraction de seconde. Jonny Wilkinson peut tenter de donner au groupe de quatre joueurs situés en zone A d’une passe sautée et lobée (il y a un quatrième joueur toulonnais près de la touche qui n’apparaît pas ici), ou jouer un petit coup de pied par dessus dans la zone B. Concentré sur sa passe, il ne voit pas l’ailier de Grenoble changer sa course pour tenter le tout pour le tout en rentrant intérieur tandis que son vis à vis au genou droit bandé (est-ce Botha ? Non, me dit @ArnaudBecquet, il s’agit de Juan Smith), pas exempt de tout reproche non plus, continue de courir en travers alors qui aurait pu anticiper l’interception et découper joyeusement l’ami Ratini. Et pour en terminer avec l’autopsie, alors qu’il y avait quatre toulonnais pour marquer un essai quand deux auraient suffi, il n’y avait personne en couverture pour parer un contre (l’arrière ou l’ailier droit pour le suppléer). J’ai connu un vieil entraîneur qui entre deux bouffées de gitane maïs nous disait: « Les gars, c’est bien de mettre les pieds sous la table, mais laissez toujours un gonze en cuisine, des fois qu’il y ait de la vaisselle sale qui arrive. » Comme quoi, les bases du rugby, ça vaut aussi pour le rugby professionnel.
Laurent Delmas.