entrée des joueurs au stade Mayol à Toulon

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        À cette époque, les joueurs de rugby n'avaient pas de mains. Ils avaient des paluches. Des vestiaires émanaient des odeurs de camphre et de graisse de phoque mêlées à de la sueur, et par moments on sentait la fumée de l'éternelle Gitane maïs vissée sous la moustache de l'entraîneur. Le parking était jonché de Simca 1000, R 16 et autres voitures préhistoriques, telle la 4 L (cette dernière faisait souvent office de voiture de fonction pour les entraîneurs et les curés). Les crampons n'étaient pas moulés mais se vissaient dans la semelle et t'en perdais un par match à cause de ce putain de pas de vis qui foirait toujours. T'avais droit jusqu'aux "dix-huit", pas plus, mais si t'ajoutais une rondelle, tu gagnais un peu en stabilité et puis t'étais mieux équipé si jamais il fallait sortir la poivrière... Les gonfles étaient en véritable cuir, l'éponge était magique et la boite à pharmacie était en bois, très commode pour les fesses du soigneur pendant le match, mais à éviter à tout prix quand on te poussait en touche. La coupe d'Europe n'existait pas et l'essai n'était pas encore passé à l'Euro, il valait seulement 4 points. L'ascenseur en touche n'était pas autorisé, mais tu pouvais parfois utiliser l'escalier de service en faisant bien gaffe de ne pas te faire pesquer par l'arbitre.

Hiboulot, la radio de Rugby à XV de France

        J'ai commencé à jouer au rugby en 1977, mais ai-je vraiment arrêté ? Après avoir lancé le site Rugby à XV de France, j'ai eu l'idée de créer une webradio pour rassembler les tubes qui ont rythmé mes années rugby jusqu'à aujourd'hui. Si vous aimez le rugby, vous aimerez cette radio. Le rugby ça commence presque toujours avec celui de papa, qui veut faire de toi un homme et t'inculquer les bonnes valeurs. Papa écoute les Beach Boys, Bobby Vee et les Rollings Stones, et ses idoles sont les Spanghero, Jean Gachassin et Roger Couderc. Il te pousse naturellement vers l'école de rugby, où il pense que tu vas apprendre la vie. Tu découvres le monde du rugby mais aussi son âme grâce aux bénévoles, avec l'inévitable quine du rugby, la vente des tickets de tombola et les bals avec orchestre et buvette pour faire rentrer quatre sous dans la caisse du club. Le bénévole aime les élucubrations d'Antoine, Aretha Franklin ou Eddy Mitchell, et il tente de t'apprendre les rudiments du rugby dans son survêtement bleu avec des élastiques sous les pieds. Techniquement, ça vaut pas Guy Novès, mais cet homme à la voix aussi rocailleuse que le pré qui sert de terrain d'entraînement te communique comme par magie l'essentiel: la passion ovale. Le rugby devient soudain génial, et tu te fais des potes que tu garderas à vie. La radio du bus qui t'emmène au tournoi d'Alban te passe Boney M, Abba, The Police, Madness et Status Quo. Au retour volent parfois des slips avec des traces de freinage, mais après tout, c'est pas bien méchant. A douze ans et le corps couvert de bleus, le monde t'appartient déjà quand tu chantes "En revenant de Paris chez ma tante", 'La pitchouli" ou "Le curé de Camaret" assis avec les grands au fond du car.

        Plus tard, le rugby prend encore plus d'importance quand tu regardes le tournoi des cinq nations, et que tu t'identifies à des joueurs comme Jean-Pierre Rives, Serge Blanco, Jérôme Gallion, Codorniou, Sella et Lagisquet. Tandis que Béziers écrase le championnat, musicalement aussi ça dépote, les années 80 c'est les concerts de Téléphone, Indochine, U 2, Dire Straits, The Cure, Billie Idol, ZZ top, Orchestral Manoeuvre in the Dark, Kim Wilde, sans oublier Jean-Patrick Capdevielle et Trust. C'est aussi les premières cuites au Malibu ananas au son des Duran Duran, Dead or Alive et Simple mind lors des virées en boite dans la 104 du grand frère qui joue déjà en senior au club. Puis c'est ton tour d'être senior, physiquement t'es un homme à présent et tu sais à peu près à quel poste et et à quel niveau tu vas pouvoir jouer durant ta carrière de rugbyman. Tandis que le Racing version noeud pap et Bègles Bordeaux écrivent une parenthèse au milieu du tableau de chasse au Brennus du Stade Toulousain, toi aussi tu chasses, mais il s'agit de la belette que tu cherches dans les soirées étudiantes en écoutant Toto, les Rita Mitsouko, Niagara, et Étienne Daho. Les matchs,les bières, les séances de muscu et les troisièmes mi-temps défilent au rythme de la vie. À présent tu as un boulot, t'es toujours avec tes copains avec qui tu fais des haies d'honneur avec des ballons de rugby à l'occasion des mariages de tes coéquipiers. Puis un beau jour c'est le tien, tu l'avais pas vu venir celui-là. Un petit coup d'Elmer Foodbeat et Saga Africa avec les copains, le Grand Orchestre du Splendid et la java de Broadway pour la belle-mère et puis enfin, soirée privée avec ta belle, Guesh Patti et Mylène Farmer (pourvu qu'elles soient douces).

        Puis tu commence à filer un coup de main au club, quand il manque un entraîneur ou un arbitre, et tu mets un coup de peinture au club house qui en avait bien besoin. Ce serait bien aussi qu'on trouve un joug pour les gros cette année. INXS et Texas font place aux Cranberries, Manu Chao, Nirvana et Oasis. Tu commences à ne plus être dans le coup côté musique, dans l'équipe aussi d'ailleurs mais pour l'instant personne ne s'en aperçoit à part toi. Les lendemains de match ta charpente craque un peu plus quand il faut se lever le lundi, c'est vrai aussi que tu dors moins depuis que tu as tes enfants. L'année prochaine t'arrêteras le rugby, cette année tu as déjà prolongé pour donner un coup de main à l'équipe réserve. Tu donnes quelques conseils à des juniors qui vont prendre la relève, et tu commences à taxer l'Ipod de ta fille pour aller faire ton footing. Elle est pas mal Rihanna physiquem... pardon finalement. Place aux jeunes à présent, c'est bien aussi d'écouter Lady Gaga, les Blaks Eyed Peas, Jay Z, David Guetta et Bob Sinclar.

        Pour conclure, ma webradio raconte un peu mon histoire, et celle de la musique des années 60 à nos jours. Son style, c'est justement de ne pas avoir de style et de passer sans transition de "Gaston y a l'téléphone qui sonne" à "Meet me halfway" en passant par "Sunday bloody sunday" ou "Boys don't cry". Une seule règle, pas une seule face B sur ma radio. Au boulot ou au club house, écoutez Hiboulot Rugby et ajoutez la webradio de Rugby à XV de France à vos favoris (vous savez, en appuyant sur "ctrl + D").

à chacun sa musique, à chacun son rugby.
Laurent Delmas.